NANTET, LE TOUT TERRAIN A 200 A L'HEURE (Y. Jambon)

Pour la troisième fois (81, 82 et 86), ce savoyard bon teint, coiffe le titre de Champion de France des Rallyes Tout-Terrain. A 30 ans, il s'avère être le plus rapide, et de loin, des pilotes de la spécialité. Bon vivant, d'une gentillesse des plus naturelles, entouré de bons copains, il essaie de vivre, avec son copilote, Jean-Marc Delean, sa passion qui, hélas, n'est pas des plus reconnues, ce qui lui demande des heures de travail et de sacrifice envers sa famille, qu'il respecte avant tout...

Comment êtes-vous venu au tout-terrain ?
Je suis venu au T. T. parce que chez nous beaucoup de gens vont à la chasse, et j'avais un ami, à côté de chez moi, qui avait monté une VW en bugster Strakit pour aller à la chasse. J'ai acheté une Coccinelle, je l'ai plantée et je l'ai modifiée. N'étant pas conforme aux règles, j'ai attaqué le T.T. pour rouler avec, ensuite j'ai construit deux buggies et je suis allé chez Punch.

Combien de victoires depuis les débuts?
Entre 25 et 30 en tout-terrain, chaque fois que j'ai fait le championnat, je l'ai dominé et les gens sont un peu dégoûtés. Il faut préciser qu'avec Jean-Marc, mon copilote, on travaille tous les deux sur le buggy et nous y passons vraiment beaucoup de temps : tout est revu et corrigé à chaque course. Le buggy, de la première à la dernière course, est complètement modifié, on renforce et on fait tout ce qu'il faut pour qu'il gagne.

Quelles sont vos qualités de pilote ?
Le calme, la rapidité et la précision... je crois!

Pourquoi êtes-vous si rapide?
Ce n'est pas un don! Mais j'aime tellement aller vite, être en équilibre, il n'y a que quand je glisse que je suis bien, à 20 km/h comme à 200 !

Et les qualités de votre copilote?
C'est d'avoir confiance en moi et d'être un bon mécano.

Deux roues motrices ou buggy 4 x 4?
Je reste fidèle aux deux motrices, parce que tant que les 4 x 4 n'auront pas une répartition de motricité A V/AR, les deux roues motrices seront toujours devant, la preuve! Ou alors, vraiment sur un terrain gras, et question plaisir, c'est vraiment incomparable. Mais j'y viendrais sans problème lorsque l'on pourra règler cette répartition...

Comment voyez-vous la voiture de T. T. idéale de demain ?
Proche de la 205 T 16, adaptée au T.T. avec un moteur Porsche en plus costaud et surtout, bien moins chère. Ce serait une bonne chose que les « groupe B » viennent sur les rallyes T.T. on a des chances de se faire « taper», mais ne rêvons pas trop!

Que pensez-vous du niveau dans le championnat T. T. ?
Maintenant, on voit des voitures de course, ce n'est plus comme en 82, quand il y a 1 60 autos aux « Plaines et Vallées», il y a de belles voitures qui devraient amener des sponsors, dans une discipline plutôt spectaculaire pour le public. Au niveau de mes concurrents, il y en a beaucoup de sérieux, mais il y en a aussi beaucoup qui ne sont, soit que préparateurs, soit bons pilotes, ou qui ont de bonnes autos, mais il leur manque un petit quelque chose. Lainé, par exemple, cette année, conduisait pratiquement à vue. Avec des notes, il pourrait être devant. ' Mes favoris sur terrain roulant : Fimbel (qui se calme un peu), Lainé (en utilisant vraiment son copilote) et bien sûr, Rovaldieri, Rivet, Favrot (et j'en oublie sûrement). Ce sont des gens qui sont vraiment très rapides.

Est-ce bien raisonnable de prendre plus de 200 km/h chrono dans les chemins très étroits ?
Au niveau de l'organisation, ce n'est pas bien raisonnable, si on a une ligne droite qui fait 2 ou 3 km, mais avoir des enfilades à 180 km/h où l'on peut se freiner en glissant, c'est bien et ça veut dire que la « route» est bonne.

A combien estimez-vous le coût de la saison?
J'ai fait les totaux pour mes sponsors, avec l'achat du buggy et tous les frais compris, j'arrive à 375 000 F (pour 11 manches du championnat). Revente, sponsors et primes d'arrivée, on est à près de 100 000 F de notre poche. (A noter: une boite cassée au « Labourd », coût 25 000 F.

Les sponsors en T.T., ce n'est pas encore « ça » ?
Je n'ai pas encore contacté tout le monde, mais les retombées médiatiques et notamment à la TV sont importantes, et lorsque l'on connait le coût de la secondes de passage à la télé, on comprend mieux que le sponsor en ait plus pour son argent. -

Les primes en T.T. ?
Je vais être franc, je connais un ancien champion d'Europe de side-car cross qui est payé pour prendre le départ, payé pour faire la moitié de la course, il a des primes d'arrivée... Il est sûr de rembourser ses frais, même si il casse. Nous, en tout-terrain, nous faisons des spéciales style Coupe de la Ville, payantes pour les spectateurs, on attire du monde mais les primes d'arrivée (vraiment dérisoires) ne sont pas en fonction du coût d'une épreuve pour un pilote. On est pressé comme des citrons, on paye nos engagements, et l'on nous fait souvent faire des spéciales « casse autos» pour les beaux yeux des organisateurs, les 1 a premiers devraient courir pour quelque chose...

Comment voyez-vous l'avenir du T.T. ?
Je pense qu'il va falloir dissocier le T.T. et le trial, en faisant deux championnats, celui de la montagne (Cîmes, ...) proche du trial chronométré et le T. T. rapide avec des épreuves comme « Dunes et Marais», le « Mantois », le « Jean de la Fontaine », épreuves de vitesse sur terre (comme les rallyes sur terre où l'on a été éloigné, parce que l'on gagnait tout). On a vraiment des F 1 de la terre : boite F 1 , près de 300 ch pour 600 à 800 kg. Et bien sûr, trouver des sponsors et nous faire connaître à la presse avec des autos qui ressemblent à quelque chose.

Qu'avez-vous à répondre quand Pachiaudi déclare dans la presse reglonale que les pilotes de plaine sont des « charlots » ?
Simplement que la course auto, c'est celui qui va le plus vite en vitesse et non pas dans les « escaliers » !

Honnêtement, une victoire aux Cimes ne manque pas dans votre palmarès ?
Sincèrement, si ! J'ai fini deux fois second. La première année en 1 981, j'ai fini 2" sans savoir ce qui m'arrivait. La seconde année, j'ai attaqué comme un fou, j'aurais mérité la victoire mais dans une spéciale de 3 km, dans le brouillard, j'ai dû en faire 6, je ne savais plus où j'étais, je suivais les traces, j'ai passé la ligne d'arrivée en prenant 45", et j'ai fini 2" à 39", ça m'a fait mal au coeur parce que sans reconnaissances, on avait attaqué du début à la fin. On a chaîné, déchaîné, je pense que je l'avais mérité.
Cette année, je ne l'ai pas fait, j'avais le choix : soit casser la boîte comme au « Labourd », avoir 2 5 000 F de réparation et laisser tomber le titre, j'ai préféré le titre, je l'ai eu, tant pis pour les Cîmes.
Mais il n'est pas dit qu'un jour je n'y retournerai pas pour gagner, je prendrai alors huit jours pour le reconnaître.

Que pensez-vous de l'organisation des rallyes T.T. ?
Par exemple, à « Dunes et Marais », on nous demande, après la course, ce que l'on pense du tracé. C'est fantastique, parce qu'ils en tiennent compte. Mais dans certains rallyes, il y a des spéciales tracées par un conducteur de travaux publics qui ne connaît rien aux rallyes, on ne fait plus de rallyes T.T. mais des montagnes russes. Intéressant, non?
Sans parler des prologues, ou spéciales style « cascades show», pour cela, ils n'ont qu'à faire appel à de vrais cascadeurs avec des voitures à détruire, ce genre de spectacle n'intéresse pas les sponsors.

Les meilleures organisations ?
Le « Jean de la Fontaine », on avait les temps tout de suite, un beau tracé et des reconnaissances avant l'épreuve. Tout le monde pouvait avoir les temps sur des feuilles, et chaque abandon ou casse était noté.

Les pires?
Trop, pour ne pas les citer, je dirai qu'il ne faut pas incriminer les organisateurs, car ce qu'ils font, tout le monde ne le ferait pas, c'est seulement une faille, due à une personne : commissaire, directeur de course, ou autre...
Il faudrait peut-être un peu plus de sérieux, et surtout demander l'avis des pilotes, mais je le répète, il faut beaucoup de courage et de volonté pour organiser une épreuve.

L'ambiance des rallyes T.T. et entre les pilotes est-elle bonne ?
Très bonne et j'ai de bons rapports avec les autres pilotes. Si c'était pareil dans toutes les disciplines de la compétition auto, ce serait bien!

Et le Dakar?
Je le ferais bien, avec de bonnes reconnaissances, et surtout une bonne structure pour essayer de lutter avec les « usines », si c'est pour le faire en amateur, dormir dehors, alors que les pros ont des camions pour se reposer, non! De plus, la responsabilité de deux entreprises et d'une vingtaine de personnes ne permet pas de s'absenter facilement trois semaines.

Gilles Nantet (copilote: Jean-Marc Delean)
- 30 ans fin janvier, gérant de société de bois et scierie.
- Marié, 2 enfants (2 garçons de 2 et 5 ans).
- Début et palmarès :
· 1976: rallyes régionaux;
· 1979: rallyes T.T. (5· au championnat de France) ;
· 1980 : rallyes T. T. (3· au championnat de France) ;
· 1981/82: Champion de France;
· 1983 : .rallye sur goudron (R5 Turbo 185 ch), gagne le Jura;
· 1984: rallye sur goudron (R5 Turbo 230 ch), bons résultats avec peu de moyens;
· 1985 : revient au T.T., gagne le Rumilly et le Mantois et décide de faire une saison complète en 86 ;
· 1986 : Champion de France, 1·' au Jean de la Fontaine, aux Chemins Creux, au Chalosse, au Rumilly et au Mantois.

 

Quel est votre rêve ?
C'est comme beaucoup de pilotes, être pilote d'usine, sur ma surface de prédilection : la terre, et faire ça toute l'année.
Nous, on ne s'entraîne pas, on ne reconnaît pas et on ne roule pas avec nos autos en dehors des courses, pourtant, on « avance» quand même. .

Que pensez-vous de la présence de 4 x 4 traditionnels dans les championnats,vous, un pilote de buggy ?
C'est très bien, faire un « Mantois» et des temps, c'est bien et de plus, ce ne sont pas les plus ridicules.

Vos projets 87 ?
Je serai chez Strakit avec Fimbel, l'objectif: les Baja, quelques 6 Heures et semer le trouble dans le championnat T.T. et, si j'ai à choisir, comme cette année, entre Cognac et une épreuve de championnat, en 87, j'irai à Cognac. Mon auto est un Strakit deux roues motrices, moteur Porsche, boîte Hewland 6 rapports et 270 ch.

Qui voyez-vous comme champion 87 ?
Un Strakit blanc...

Caractéristiques du buggy
· Châssis tubulaire avec moteur en porte-à-faux arrière.
· Direction à crémaillère. Un tour de volant de butée à butée.
· Boite de vitesses Hewland à 6 rapports, autobloquant à disques.
· Moteur Porsche 3 litres et 240 ch.
· Freins à disques sur les quatre roues avec répartiteur.
· 860 kg.
· Vitesse de pointe: 200 km/ho