Labourd 1992
Texte et photos Robert Ollivier, Yvonick Jambon, Alain
Deveau.
DUEL DANS LA BOUE...
Le Labourd est, avec les Cimes et le Bugey, l'un des
« dinosaures» du Championnat de France des rallyes tout-terrain.
Tous trois en effet se situent dans des cadres extraordinaires qui en ont
fait la renommée.
Ils ont bien sûr évolué, s'adaptant à l'accroissement
des performances des véhicules engagés, mais ont cherché
à conserver l'esprit originel.
C'est ainsi que le Labourd est devenu un rallye bicéphale, avec une
première partie moins tourmentée, disputée sur les collines
entourant St-Pée-sur-Nivelle.
Le lendemain, à Ainhoa, on retrouve les EC typiques de montagne que
sont Grachienko et son « mur »,
La Chapelle et sa montée tourmentée, Ziburoko et la rapide ligne
de crête du col de la Pinodieta.
Première victoire de la saison pour Calzavara qui impose SOlI Fouquet
in extremis devant celui d'Iribaren...
les Fouquet font la loi
L'étape du samedi, trois boucles de trois spéciales,
est réputée la plus rapide... si la météo ne vient
pas brouiller les cartes.
Mais la grande nouveauté de l'édition 1992 aura été
la première apparition des deux UMM Marathon Diesel du Top Racing alignés
en Tl.
Pilotés par Jean Marie Verrier et Daniel Lemeille, ils viendront tout
au long de la saison renforcer les effectifs des Tl, avec le but avoué
de s'imposer premier en diesel,
mais aussi à la meilleure place possible en Tl . Bienvenue à
UMM-France.
Pierre Philippe faisait sa rentrée au volant d'une toute nouvelle voiture:
châssis, moteur et boîte de vitesses, tout est nouveau sur le
Phil's Bug,
dont l'ambition est bien sûr la reconquête d'un titre qui lui
a échappé l'an dernier.
Turon-Barrère guant à lui s'aligne sur son nouveau Fouquet à
moteur base PRV et préparation maison.
Blancart déclarera malheureusement forfait pour avoir perdu assistance,
matériel et famille en panne au bord de la route.
Bien que renforcé par ces nouveautés, le plateau reste assez
faible avec 78 autos vérifiées, dure, dure pour les organisateurs
l'application
des nouvelles règles en rallyes cette année
( l'édition 1991 comptait 124 partants, faites les comptes. Sans commentaire
!!).Une petite pluie fine accueillait les concurrents admis à prendre
le départ du test,
sur le circuit de Kantia qui va très vite devenir une véritable
patinoire. Les premiers, qui doivent essuyer la piste, ne seront pas favorisés
:
Philippe, Ardurats ou Burgana se retrouvent à des places inhabituelles
pour eux, qui constitueront par la suite un véritable handicap.
Seul Turon-Barrère, parti en troisième position, sauvera les
meubles en terminant derrière Herbert qui signe l'exploit (Rivet 2
litres), l'enfant du pays Garat (Phil's Car-PRV),
et Iribaren qui bénéficiaient de positions plus favorables.
Alors que les cieux se bouchent définitivement, noyant le Pays Basque
sous des trombes d'eau,
Calzavara fait preuve de ses prétentions dès la première
EC avec un 8'3" qui ne sera plus contesté.
Iribaren remporte l'EC suivante, mais le Bordelais, qui a creusé un
écart de 33", n'en concède que 2 et en reprend une dans
l'ultime EC de la boucle...
Iribaren sort alors le grand jeu, s'adjuge les trois scratches de la boucle
suivante et prend le commandement avec 2" d'avance.
La réaction de Calzavara ne se fait pas attendre: il signera les 3
dernières EC et termine cette première étape en laissant
Iribaren à 46".
Iribaren a confirmé au Labourd son excellente prestation d'Arzacq.
Derrière, on ne chôme pas pour autant: Garat
confirme ses bonnes prestations mais sera contraint à l'abandon, dès
la deuxième boucle,
sur défaillance d'embrayage rempli de boue. Turon-Barrère s'accroche
avec Capin pour la troisième place, que ce dernier lui concède
après avoir écopé de 2'30" de pénalité
sur le routier pour un changement de soufflet de cardan. Handicapé
par une segmentation donnant des signes de faiblesese (elle lâchera
le lendemain),
Herbert limite les dégâts en devançant Capin et Ardurats
qui a passé la journée à butter sur les concurrents le
précédant, avec les gênes et les blocages que cela suppose.
Même galère pour les Philippe qui ne pointent qu'en huitième
position derrière un excellent Lamic.
Ils ont dû s'arrêter longuement pour vérifier une transmission
: « Ce devait être un caillou qui a dû se coincer puis éclater,
précise Pierre.
De toute façon, nous ne sommes pas là pour attaquer: c'est la
première sortie du véhicule, aussi nous conduisons avec des
oreilles partout!
Il faut s'y habituer car il a plus d'inertie et plus de puissance que l'autre.
Le V6 de 3,51 que nous a préparé Oliméca développe
300ch, mais il est encore un peu pointu à mon gré.
Pour le reste pas de problème: boite et transmission SADEV, amortisseurs
Aragosta nous donnent toute satisfaction).
Les conditions atmosphériques ne tardent pas à faire des victimes,
le terrain se creusant de plus en plus
(au point que la Direction de course autorisera les pneus à crampons
pour la troisième boucle): allumage pour Clévenot et Varangle,
moteur pour Barbé,
Burgana et Poincelet (joint spi), sortie de route pour Pascual.... Cosson
qui étrennait un Gembo tout neuf et tout ... noir
s'apercevait bien vite que les suspensions de l'engin n'étaient pas
du tout adaptées.
Soudure, bricolage, puis abondon après avoir brisé le train
avant. Goni, excellent avec son buggy en deux roues motrices, cassait une
rotule et devait renoncer.
Barthe sur Gembo est déjà arrêté, en panne d'essuie-glace.
" L'auto a des voies très larges et on est très mal dans
les ornières", dixit Béola, provisoire rescapé sur
son CBS de construction identique
mais contraint à l'abandon le lendemain matin après l'arrachement
d'une roue. Autos à revoir tant les spectateurs semblent sous le charme.
Bernad ne sera pas inquiété en Tl : il relègue son second,
Bossard, à près de dix minutes...
En Tl, Bernad rentrait en tête devant Bossart.
Mais dans ce groupe plus peut-être encore que pour les buggies, le choix
des pneus allait être déterminant.
Cest tout d'abord Bossart, qui très curieusement n'est pas venu au
Labourd avec des pneus pour la pluie.
Il n'a que pour sol sec, ou bien les Bab (pneus à tétines) qui
ne seront autorisés, comme c:est bien souvent le cas, qu'à la
toute dernière extrémité,
en l'occurrence ici au début du troisième tour.
Il faut noter qu'avant de chausser les fameux pneus miracle, la domination
de Bernad n'était pas assurée du tout :
il ne remportait qu'une victoire de spéciale dans le groupe contre
une à Lhotellerie Pajero et quatre à Ernoux (Nissan),
particulièrement à l'aise dans le second tour où les
conditions étaient les plus difficiles. Mais dès le changement
de pneus, Bernard faisait le vide autour de lui,
enlevant les 3 spéciales de la boucle,
pour finir l'étape avec un avantage de plus de 7 minutes sur Bossart,
et 9 sur Ernoux. Ryckeboer a disparu sur court circuit.
Les deux UMM diesel pour leurs débuts signent de jolis temps, mais
J.M. Verrier se pose sur le côté et doit laisser D. Lemeille
défendre seul les couleurs du constructeur portugais.
En T2, on attendait Hardy. Pilote sûr
(toujours à l'arrivée l'an dernier),
on sait que rien ne lui résiste sur terrain gras, et ici il était
servi ! Après un début de course remarqué, il ira à
la faute dans l'EC 5, mettant son Pajero sur le toit.
Raymondis semblait alors le mieux placé pour l'emporter,mais, en fin
de journée, son Discovery appréciera tant la boue basquaise
qu'il y restera « vautré» près de 20'...
Cela fera le bonheur de Ziélinski (Lada) qui hérite de la première
place du groupe..
le retour de Turon-Barrère
Turon-Barrère, déjà en embuscade le samedi, signera quelques
perts' qui l'amèneront près des leaders.
Les deux boucles de trois EC au programme du dimanche
matin se disputeront sous des cieux plus cléments et sur un terrain
sensiblement moins gras que la veille,
bien que plus accidenté. TuronBarrère va montrer qu'il faut
toujours compter avec lui, remportant Les 4 premières EC et reprenant
ainsi 1 '31" au leader et 1 '14" au second.
« Nous avions convenu d'un tableau de marche, et nous l'avons tenu scrupuleusement:
vu les conditions atmosphériques, hier il n'était pas question
d'attaquer.
Ce matin nous avons décidé de remettre les pendules à
l'heure. De toute façon notre but n'est pas de chercher à gagner
envers et contre tout mais de jouer placé en ménageant la mécanique.
1/ ne faut pas oublier que le championnat compte encore dix épreuves).
La réponse du berger à la bergère ne se fait pas attendre.
Iribaren est le premier à passer à la contre-offensive, signant
l'EC 14 ex aequo avec Turon-Barrère et le devançant dans l'EC
15.
Calzavara n'est pas en reste: il s'adjuge l'EC 16, mettant définitivement
les pendules à l'heure.
Ardurats et Philippe, mieux placés au départ que la veille,
vont chacun grignoter une place, l'un au détriment de Capin, l'autre
aux dépens de Lamie,
tandis que Girardin (Rivet-VW) résiste toujours à Castaignos
(Fouquet-PRV) qui essaie en vain de lui arracher la huitième place.
Couillet, qui pouvait aussi y prétendre, abandonne sur bris de transmission.
Le rallye se termine traditionnellement dans la carrière
de Souraïde dont le cadre grandiose se prête particulièrement
au spectacle et attire un public d'aficionados toujours aussi nombreux :
3 fois 1,6 km où les pilotes se font avant tout plaisir et qui ne bouleverseront
pas le classement général: Ardurats, Iribaren, Turon-Barrère
s'y montreront à leur avantage,
alors que Calzavara, sûr de sa victoire se contente d'assurer: «
Pour moi, au contraire des années précédentes,
ce fut une course sans problème: pas de tout droit, pas de tonneau,
quasiment une course triste! Hier j'ai essayé de rouler propre, aujourd'hui,
j'ai géré mon avance.
Sur le plan de l'auto, le moteur (PRV 3,5 litres, préparation Vinegra)
me donne satisfaction, mais il y a encore des améliorations à
effectuer, en particulier au niveau des réglage de suspensions».
En T1, Bernad ne sera pas inquiété. Il remporte le groupe avec
9'36" d'avance sur Bossart (Range Rover) qui termine privé d'alternateur.
Cette victoire lui permet de placer son Cherokee en tête du Challenge
des véhicules de série qu'il a déjà remporté
l'an dernier.
Il semble bien parti pour récidiver cette année.
Zielinski
La situation est moins claire en T2.
Si Hardy fait figure d'épouvantail, Zielinski marque les points et
Raymondis n'a pas encore dit son dernier mot :
« Ici les conditions n'étaient pas idéales pour exploiter
toutes les capacités de la voiture. J'ai connu des prologues du Dakar
boueux, mais jamais à ce point,
On est forcé de rouler un ton en-dessous, sinon c'est la casse. De
plus l'auto est lourde et je n'avais pas les pneux adaptés, ce qui
m'a fait perdre beaucoup de temps,
De toute façon en finissant deux fois second, je me maintiens au Championnat
de France ».
Deux performances à remarquer: celle du vétéran Aguerre,
16 participations et plusieurs podiums, qui emmène son Pachiaudi à
la dixième place,
Quant à Oudin, il signe l'exploit du week-end en étant le seul
à rallier Farrivée avec un Phil's Car 2 roues motrices.
Troisième de la classe 2 litres à l'issue de la première
journèe, Mandin s'imposera finalement après l'abandon de Herbert.